En 2002 Roman Serbyn et Tetiana Sliudikova ont publié "Listi ta dokumenti" (Lettres et documents) de Serhii Podolins'kii  avec une introduction en ukrainien, francais et anglais et un récit riche et détaillé (57pages) sur la vie et l'oeuvre de Podolynsky par Roman Serbyn. Pour les travaux scientifiques de Podolynsky une anthologie  à part était en préparation. Sur la demande de Roman Serbyn j'avais écrit l'esquisse ci-dessous à propos des textes choisis. 

A propos de l'auteur de l'ultime biographie voir le no du 18 juillet 2006 du quotidien "Den" (La journée)  "A conversation with Professor  Roman Serbyn".

 

Société, nature, solidarité – une étoile filante dans un ciel ukrainien

L’anthologie comprend quatre textes qui touchent au domaine des sciences dites ‘exactes’ et à leur histoire.

I. Autour d'un fondateur de la médecine scientifique. Un an après la mort de Claude Bernard (1818-1878) Sergii Podolyns’ky écrit en russe sur le physiologiste et son oeuvre. Pour qui? Pourquoi? Il répond en concluant son esquisse: "nous espérons qu’elle permettra aux lecteurs russes, dont la profession ne les a pas rendus familiers avec les travaux spécialisés de Bernard, de se faire une opinion plus précise sur son activité”.

Rappelons que Podolyns’ky a suivi un cours du maître au Collège de France et qu’il a fait sa thèse de doctorat (à Wroclaw) dans un domaine de recherche, l’étude de la fonction pancréatique, dont Bernard avait été le pionnier.

De nos jours, ni l’ascension du jeune préparateur lyonnais de pharmacie non pas à une place de rêve dans le ciel littéraire, mais à la tête d‘un laboratoire de recherche, à la première chaire universitaire de physiologie et aux palmes académiques, ni les résultats de ses expériences n‘excitent l'intérêt d'une foule de lectrices et de lecteurs. Pas plus que ses expériences sur " la fonction glycogénique du foie",  "l’action vasomotrice du grand sympathique ", " le "milieu intérieur" constitué par le sang et la lymphe "1 ou même sa constatation de la continuité entre les états de ‚normalité‘ et ceux de maladie. À l’époque, au contraire, une description de faits physiologiques, puis l’attribution de leur découverte à un acteur ‚génial‘, faisaient partie de la transformation actuelle de la médecine, des médecins, des patients et du public. En France, cette grande transformation vers la médecine ‚scientifique‘, tributaire des méthodes de la physique et de la chimie, avait pris son élan avec François Magendie (1783-1855) et Pierre Flourens (1794-1867). L’essor en avait été retardé, et par un détournement de l‘attention vers l’expérience clinique et par un progrès trop lent surtout de la chimie2. Mais en 1856 Bernard succède au Collège de France au premier des deux pionniers - qui avait été son maître, et en 1868 au second à l’Académie. La nouvelle science fut ainsi consacrée et Claude Bernard devient son héros national posthume.

Podolyns’ky parle de ‘tendance réaliste’. Certes, Bernard dans sa pratique et dans sa pensée n’est pas loin du positivisme d’Auguste Comte (1798-1857), auteur qu’il avait soigneusement lu3. A fortiori Flourens et Magendie s’intègrent à un courant dont Comte était le philosophe-sociologue. La physiologie nouvelle, la nouvelle ‘médecine théorique’ refuse l’idée de forces vitales différentes des forces physiques et chimiques et dérivées du ‘vitalisme’ d’un François Marie Xavier Bichat (1771-1802)4. Nuance : Bernard tente de démontrer, que la question de l’existence de telles forces spécifiques ne se pose pas. Sa méthode, comme l’écrit William Coleman, vise le contrôle de la production des phénomènes vitaux en s’appuyant sur les forces physiques et chimiques bien établies; elle s’inspire, selon l’historien, de la vieille conviction que le savoir comporte un pouvoir: pour pouvoir contrôler, il faut d'abord savoir5.

Dans l'unique jugement explicite de son esquisse, Podolyns’ky déclare que Bernard ne fut pas " par nature un philosophe, c'est à dire, capable d'introduire dans la science une nouvelle méthode ou d’élaborer une grande théorie indépendante... ". Néanmoins, le ‘réductionnisme’ de Bernard, sa préoccupation de la mesure et du contrôle des fonctions physiologiques, en particulier dans le contexte du diabète, l’a amené à décrire l’état de maladie comme une ‘continuité’ de l’état de normalité, comme divergence graduelle, en quelque sorte ‘quantifiable’ de celui-ci. Il a ainsi minimisé la différence entre physiologie, science de la vie ‘en normalité’ et médecine, (vue comme) science des états pathologiques. La problématique de cette généralisation ‘philosophique’ bernardine, lourde de conséquences, échappe-t-elle au socialiste ukrainien, enthousiaste de la nouvelle médecine? Il a fallu du temps pour que la légèreté théorique du grand homme, et de nombreux autres par la suite, soit analysée. Dans sa thèse de 1943, Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique,6 George Canguilhem voue tout un chapitre à " Claude Bernard et la pathologie expérimentale ". Contre le Bernard de la continuité, il rend leur statut ‘ontologique’ aux états de maladie: la vie en maladie peut constituer une autre vie, pas moins ‘autonome’, la médecine a toujours à faire avec des vies et pas seulement avec des ‘dysfonctionnements’, elle a sa propre ‘logique’, qui dépasse celle du physiologiste.

L’idée attristante, que le docteur Podolyns’ky dans son état postérieur d’aliénation mentale, se serait constitué prisonnier du concept bernardin de la maladie, n’est peut-être pas complètement absurde.

* * *

II. A propos d'un 'changement de paradigme'. Le débat sur le ‘darwinisme’ commence dès la parution de Les origines des espèces en 1859 et dépasse tout de suite le domaine de la zoologie. En 1865 le philosophe Friedrich Albert Lange (1828-1875), à l’époque secrétaire de la chambre de commerce à Duisburg, publie "La question ouvrière, son importance pour le présent et le futur". Une ‘science détournée’, observe-t-il, s’est mise au service du capital et s’aveugle devant la nouvelle théorie:

"Une philosophie libre qui rassemble les résultats de toutes les sciences dans son foyer, est une entreprise rare. Même nos chercheurs les plus savants et les plus performants sont plus ou moins des enfants de l'esprit dominant. Ils ont une vue précise dans leur domaine, mais ne voient rien ailleurs. S'ajoute le malheur d'une 'philosophie' professionnalisée et payée par l’État, toujours prête à déclarer raisonnable l'état actuel des choses. Ainsi s'explique la réticence de s'occuper des problèmes posés par les sciences et principalement susceptibles d'amener à de futures révolutions mondiales. La loi de la lutte pour l'existence compte parmi ces problèmes."7

Lange voit dans la théorie darwinienne la base d’une conception humaniste du progrès. D’autres la regardent sous un autre angle. Charles Darwin (1809-1882) lui-même, dans La descendance de l’homme (1871), ne recule pas devant des réflexions d’éleveur sur la société humaine. Le précédent défenseur de la cause nationale polonaise en Galicie, Ludwig Gumplowicz (1838-1909) publie en 1874 le premier texte de sa sociologie ‘darwinienne’, anti-libérale, Les races et l’État, manifeste de la ‘joyeuse résignation’ de l’observateur d’un état ‘multiculturel‘. En Allemagne sous le régime de la loi anti-socialiste de 1878, les uns font le rapprochement du darwinisme et du socialisme dans leur refus des deux, tandis que d’autres, comme Ernst Haeckel (1834-1919), darwinien très apprécié par le maître lui-même, expriment le ‘politically correct’ (‘théorie aristocrate’) de leur conviction scientifique. L’implication politique de la théorie biologique va-t-elle de soi ?

En 1946, de retour en Allemagne après la catastrophe génocide, l’anthropologue Helmuth Plessner écrit:

" L’idée darwinienne de la sélection naturelle comme facteur constitutif des espèces suggère dans la nature vivante l’existence d’un mécanisme familier à l’esprit économique de l’époque. Le développement par l’adaptation et la concurrence dans la lutte pour l’existence trouvaient leur causalité dans le changement continu des conditions circonstancielles. On oublia trop facilement, que seule l’augmentation du pouvoir et de l’intellect compte sous cet angle de vue, car le développement est exclusivement compris comme progrès. L’homme devient le produit de pointe du processus de la sélection naturelle, qui représente la réponse jusqu’à présent la plus juste aux questions de la nature".8

Plessner rappelle qu’à la différence de toutes les autres espèces, l’homme peut adopter une attitude raisonnée envers ses pulsions instinctives, il peut découvrir sa propre ‘nature’ et en tenir compte dans son action. L’histoire de l’humanité correspond à cette spécificité humaine, la biologie, le darwinisme ne peuvent élucider ni réussites ni catastrophes de notre sort.

En 1880 le docteur Edward Aveling (1851-1898)9 a eu l’intention de dédier un recueil d’articles10 à Darwin. La lettre de refus de celui-ci a donné vie à la légende quelque peu savoureuse que le fondateur du ‘socialisme scientifique’, Karl Marx (1818-1883), aurait cherché une sorte d'imprimatur pour un ouvrage, voire pour le Capital, auprès de Darwin11. Dominique Lecourt, en examinant l’arrière-fond de cette légende, parle d’un " partage doctrinal effectivement opéré et maintenu par les marxistes dans le vif de l’œuvre darwinienne "12. Effectivement, Friedrich Engels (1820-1895) et Marx ne cessent jamais d’exprimer leur admiration pour L’origine des espèces, qui signale la fin d’un concept statique,‘fixiste’ et, dans leurs yeux, soumet le ‘hasard’ apparent d’une multitude de faits naturels à une ‘loi’ dynamique. La loi darwinienne de l'évolution des espèces les incite à la recherche d'un équivalent pour les faits sociologiques. Mais, ironise Lecourt, l’aléatoire, qui distingue fondamentalement le concept de Darwin (celui des ‘variations’ (mutations) et de la sélection) d’un développement ‘mécanique’, d’un ‘transformisme’, leur ‘échappe’13.

Faut-il rappeler que la pensée hegelienne et le positivisme scientifique tendent vers des pôles opposés?14. Théoriser la société en termes de dialectique des forces productives et des rapports de production est une chose, insister sur l’image de l’histoire naturelle, voire sur les sciences et leurs ‘lois’, une autre, source d’erreurs et de conséquences néfastes. Le socialisme doit-il satisfaire à des critères ‘scientifiques’ ? Le darwinisme falsifie-t-il le socialisme ? Celui-ci serait donc ‘contre nature’? Quand la dialectique devient une sorte de 'positivisme', les spectres du ‘darwinisme social’, du ‘racisme scientifique’ et de la discrimination raciste se promènent à l’horizon.

Podolyns’ky participe au débat. En 1880 un texte de lui parut dans la nouvelle Revue socialiste, symbole des libertés politiques et culturelles regagnées, fondée par l’ancien communard et défenseur d’un ‘socialisme humaniste’, Benoît Malon (1841-1893). À l’instar de Lange, l’auteur s’indigne des scientifiques qui violent les normes de rigueur et de vérification que la science, à son avis, leur impose, et qui abusent de leur statut comme gardiens de la ‘vérité objective’ dans le débat des opinions. La véritable science, à l’opposé du journalisme, ne doit rien à l’opinion publique.

Eduard Oskar Schmidt (1823-1886), zoologiste renommé et défenseur de la théorie darwinienne15, s’était servi de la plate-forme du congrès de l’Assemblée des Naturalistes et Médecins à Kassel en 1878 (comme Ernst Haeckel l’année précédente) pour lancer une attaque contre le socialisme : celui qui cherche dans la nature les signes d’organisation ‘communiste’ ou ‘socialiste’, ne les trouve qu'éventuellement chez les groupes les plus bas d’une classe zoologique (‘l’impersonnalité des polypes’). Podolyns’ky met en doute les exemples du spongiologiste, il énumère des contre-exemples: Mieux vaut-il parler de socialisme en décrivant les fourmis, les abeilles, les guêpes etc. – c’est à dire les animaux les plus avancés de leur classe. Pour lui ‘l’intelligence’ chez les animaux comme chez les hommes va de pair avec la sociabilité, tandis que pour son adversaire elle favorise l’égoïsme (‘l’égoïsme du loup’).

La ‘plus-value’ marxien ne serait-elle, selon Schmidt, une construction artificielle? Mais non, répond notre auteur, voilà un des aspects de la lutte pour l’existence: Qui est le plus fort ? Celui qui réussit à s’approprier une partie des forces des autres. Il existe pourtant une différence essentielle entre le monde humain et celui des animaux : Les perdants de la lutte ne périssent pas, car le vainqueur, de par son propre intérêt, est contraint à maintenir sa force de travail16. Concernant la ‘loi d’airain’ (minimisation des salaires), Lange avait parlé d’une autre ‘loi naturelle’, agissant à contresens : celle des forces spirituelles de la bienveillance et de la sympathie entre les hommes. Podolyns’ky déduit que la lutte pour l’existence demandera une solidarité de plus en plus importante entre les hommes contre la nature. Dans cette perspective pense-t-il, l’argument malthusien (que la faim limite les taux de population) s’avérera également faux. L’auteur admet volontiers que ces idées manquent de preuves scientifiques. Elles renforcent néanmoins la conviction qu’il n’y pas non plus de contradiction entre la science et la ‘démocratie sociale’. Donc, l’auteur conclu que Schmidt et le très ‘médiatique’ Ernst Haeckel ont tort.

‘L’évolution’ amène-t-elle nécessairement aux socialisme mondial? Schmidt, selon Podolyns’ky, a parfaitement droit de ridiculiser l’enthousiaste (Léopold Jacobi), qui trouve dans le darwinisme la preuve scientifique de cette conviction, mais ne doit-il pas à l’autre le respect de son espoir et de sa conviction politique? Ni le darwinisme, ni le socialisme ne sont des dogmes; le premier est une hypothèse biologique et le second serait le ‘résultat très admissible de certaines modifications du caractère personnel des hommes et de leur organisation sociale’ en accord avec l’idée de l’évolution, pourvu qu’on accepte avec Lange que la solidarité renforce l’homme dans la lutte pour l’existence. La lutte capitaliste entre les hommes devait prendre fin, tous devaient concentrer leurs efforts sur le potentiel (nutritif en premier lieu) offert par la nature. Le socialisme demande l’égalité des droits sociaux et politiques, il ne touchera pas à ‘l’inégalité naturelle’, chère au darwiniens, sauf que celle-ci sera orientée de façon à ce qu’aucun démocrate ne puisse plus la craindre. Les doués feront avancer les sciences, l’art, la moralité.

Les sociétés animales fonctionnent grâce aux organes compliqués de chaque individu. La société humaine se sert en plus de machines qui n’appartiennent qu’à quelques individus. Une différence radicale, soulignée par Marx, rappelle l’auteur, car la lutte contre la nature n’est qu’un des buts des machines, l’autre étant le maintien de la lutte pour l’existence des uns contre les autres. Nous sommes mis devant une alternative : ou les machines causent ‘la dégénérescence et le dépérissement de la plus grande partie de l’humanité’ et nous rendent ainsi incapables de gagner la lutte contre la nature ou elles deviennent la propriété inaliénable de chaque être humain comme les organes des animaux qui vivent en société.

Il faut espérer, conclut le socialiste, que les lois de Darwin agiront ultérieurement dans le sens qu’il leur donne et que le nombre de ceux qui ‘périssent, dégénèrent ou tombent au-dessous du niveau moyen de l’évolution, de la santé et du bien-être’ diminue.

Le passé demande l’analyse, le futur une projection raisonnée. Podolyns’ky se laisse inspirer par le Darwinisme à l’instar de Lange et de Marx. Au centre de sa projection humaniste se trouve un ‘homme nouveau’. Celui-ci serait plutôt le produit d’une évolution de génération en génération que celui d’une révolution (par laquelle, selon l’auteur, le changement des esprits s’est toujours avéré trop peu durable), et sa caractéristique évolutive serait son esprit de solidarité. De nos jours, le darwinisme a perdu de son charme et l’argument selon lequel l’exploitation difficile du potentiel naturel devait provoquer la solidarité, n'offre plus aucun espoir. En toute vraisemblance, le ‘darwinisme’ de Podolyns’ky comporte le ‘transformisme’ selon lequel ‘la raison’ serait capable d’accélérer l’apparition du ‘nouvel homme’. Le socialiste ukrainien est pourtant loin d’anticiper les tentatives ultérieures de forcer ‘la raison’ (l’adaptation idéologique forcée) et leurs résultats catastrophiques.

Quand Podolyns’ky évoque la lutte contre la nature, il oriente la réflexion des lecteurs vers la production agricole en premier lieu. Quand il parle de machines, l’usage des machines agricoles, les batteuses à vapeur et l’industrie des sucreries peuvent servir d’exemples; et les antagonismes sociales qui marquent son pays illustrent cet usage qu’il qualifie comme arriéré, l’état de santé de la population à l’appui (voir ci-dessous). Le scientifique, fidèle à ses convictions, anticipe sur la tâche primordiale de ‘l’homme nouveau’, la ‘lutte contre la nature’. Il sera le premier à quantifier ‘l’efficacité’ de cette lutte, il ouvrira ainsi la voie à l’écologie politique, au ‘développement durable’ selon les termes courants de nos jours. La lutte pour l’existence serait-elle finalement celle – peu darwinienne - pour l’utopie d’une ‘coopération’, et entre les hommes et avec la nature?

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III. L'ébauche d'une pratique nouvelle. En juin 1880, le mensuel Slovo (Le mot) à Saint Petersbourg, fondé deux ans auparavant, publie – sur 76 pages – l’original russe de "Le travail humain et son rapport à la répartition de l'énergie". Aucun autre texte de notre auteur n'a été repris de si nombreuses fois. Il paraîtra, réduit et modifié, dans La Revue internationale des sciences biologiques,La Revue Socialiste, La Plèbe, Die Neue Zeit et Arbeiter-Wochen-Chronik (Budapest). Slovo est une revue politico-culturelle, d’orientation libérale. Podolyns’ky s’y trouve en bonne compagnie. Y participent aussi bien l’écrivain Vladimir Korolenko (1853-1921) que l’ancienne communarde André Léo (1829-1900).

L'article de Podolins'ky a-t-il été oublié avant de trouver sa place respectée parmi les écritures fondatrices de l'économie écologique, courant qui ne cesse de croître depuis la crise du pétrole de 1973?17

L’essai comprend les éléments d’un cours de physique et de physiologie adapté au grand public à la manière des vulgarisateurs de l’époque. Nul doute que la science progresse comme une armée conquérante et que chaque découverte - chaque bataille gagnée - est bien attribuée à un chef de guerre, à un acteur principal. À l'histoire, qui se réduit à l’énumération conventionnelle de victoires et de vainqueurs, correspond le rite: l’auteur et son public s’affirment dans leur croyance au ‘mythe' collectif, au grand récit de la science et du progrès et établissent ainsi un semblant de confiance en la véracité du texte, en la crédibilité de l’auteur.

Podolyns’ky reprend, pour ce qui est de la conservation de l’énergie, le contexte ‘historique’, que ses sources lui offrent. Sources redevables au mythe évoqué ci-dessus et peu historiques au sens actuel18. Parmi elles L’histoire critique des principes généraux de la mécanique d’Eugen Dühring (1833-1921), membre reconnu du monde universitaire de Berlin avant de devenir la bête noire de l’establishment berlinois. Auteur économico-politique, philosophe polémiste, Dühring est également un antisémite notoire.19

D'autres sources lui offrent des données de base pour l'élaboration de son argumentation. Le père jésuite Angelo Secchi (1818-1878) est un spécialiste des recherches solaires, auteur d’une monographie en la matière dont la parution en 1870 déclenche une controverse durable à propos de la température du soleil, estimée à plusieurs millions de degrés par Secchi. La bonne valeur (d’environ six mille degrés) n’apparaît qu’à la fin des années 1870 et n’est acceptée que vers la fin du siècle20. Secchi présente comme forces physiques la chaleur, la lumière, l’électricité, le magnétisme, les affinités chimiques, les attractions moléculaires et la gravitation. La science d’aujourd’hui parle d'interactions électromagnétiques et de gravitation. Elle connaît en plus les interactions ‘fortes’ et ‘faibles’ des particules élémentaires; et la relation d’Einstein permet de calculer l’énergie libérée dans certaines réactions nucléaires sur terre et dans l’univers. Notamment dans celles à l’intérieur du soleil et nos connaissances rendent caduque les considérations sur l’origine de l’énergie du soleil de Secchi / Podolyn’sky.

Pour ce qui est du ‘deuxième principe de la thermodynamique, ‘l‘entropisme’ établi pour tout système clos, Rudolf Clausius (1822-1888) s'était permis de parler d'une validité pour ‘l’univers’ (en dépit des connaissances limitées à ce sujet. Tardivement, Clausius s’est rendu compte de sa légèreté). Podolyns’ky, comme la quasi-totalité de ses contemporains, reproduit la généralisation imprudente.

La planète offre de l’énergie sous forme de marées, de chaleur interne, de magnétisme, de sources chaudes et de volcanisme, sous forme de vent, d'eaux courantes, de combustibles fossiles (auxquelles s'ajoutent de nos jours les combustibles nucléaires) et sous forme de plantes et d'animaux. L’auteur est conscient du rôle prédominant de la houille comme réserve d’énergie ‘transformable’ (celle des gisements de pétrole apparaîtra plus tard). L’usage aux dépens de futures générations ne le préoccupe pas plus que la quasi-totalité de ses contemporains et l’effet du réchauffement planétaire n'inquiète à l'époque ni les savants ni les politiques. Son intérêt ne se concentre pas sur l’énergie dépensée par les hommes, mais sur leurs possibilités d’en gagner, d'en arracher le maximum à la seule source quasiment inépuisable, le soleil.

Il faudra attendre 1961, jusqu’à ce que l’encyclopédie Larousse publie un schéma approximatif de la répartition de l’énergie solaire, selon lequel 60 % sont réfléchies dans l’atmosphère, 16% évaporent l’eau des surfaces maritimes, 9,5% sont absorbés, 11,5% réfléchis par le sol, 3% servent à la biochimie de la végétation (0,16% la végétation maritime). Selon la même source les demandes d’énergie de l’humanité (en 1961) sont couvertes à 50% par la houille, à 30% par le pétrole, à 14% par le bois et la tourbe, à 3% par la force hydraulique et à 3% par celle des muscles. 76,8% de cette consommation se perdent dans la dissipation; les 23,2% restants servent à chauffer (10,7%), dans les moteurs (5,1%), et, principalement, à l’utilisation chimique pour le reste.

Selon l'encyclopaedia universalis de 1993 les réserves mondiales en énergies fossiles sont estimées à 1000 milliards de 'tonnes d'équivalent de pétrole' (tep)21 et la consommation d'énergie se nourrit à 90% de ces ressources. Du temps de Podolyns'ky la 'domination durable' des énergies fossiles est loin d'être si clairement établie (comme elle est loin d'être mise en question dans l'intérêt des générations futures).

Le flux d'énergie solaire mesuré en dehors de l'atmosphère, la 'Constante Solaire', déjà relativement bien estimée par Christian Pouillet en 1838, s`élève à 1,368 kW/m222. Ce flux correspond à une ressource d'environ un tep par an et m2. Sa capture à la surface de la terre ne peut être que partielle: suite à la rotation chaque pan de surface ne reçoit qu’un quart du flux et une réduction souvent décisive dépend des conditions atmosphériques et météorologiques23. .

Comment faire pour capter un maximum d'énergie solaire? L'agriculture s'y prête en premier lieu. Il est évident qu'un champ bien travaillé rend meilleure la récolte. Podolyns'ky s'efforce de chiffrer le contenu d'énergie de la végétation 'sauvage' d'abord, puis le gain qu'offre la culture. Abstraction faite de la motorisation (à l'époque exclusivement la machine à vapeur), les coûts énergétiques de la culture se résument au travail musculaire des animaux et des hommes. L'auteur laisse de côté le coût de la 'maintenance' de ces forces, la consommation en nourriture des hommes et des chevaux. Va pour les humains car ils existent 'a priori' - à l'inverse des chevaux. Mais il ne s'agit que d'un début de quantification en économie éner­géti­que. Ce calcul n’est d’ailleurs - et par son principe même - nullement une panacée24.

La production agricole et ligneuse de la France sert à l'auteur à expliquer son propos: 9 mio ha de forêts offrent une récolte de 0,9 t par ha; 4,2 mio ha de prairies donnent 2,5 t de foin par ha (s'y rajoutent 1,5 mio ha de prairies artificielles au rendement de 3,1 t par ha); 6 mio ha de culture de froment produisent 0,8 t de grains par ha et 2 t de paille25. L'excédent de la prairie sur le bois est de 1,6 t par ha, celui de la culture du froment de 1, 1 t de paille plus la production de grain.

Le calcul du rendement énergétique des différentes productions se fait sur la base d'une valeur énergétique de la cellulose de 2550 kcal/kg (aujourd'hui on compte plutôt 3500 kcal pour un kg de bois sec) et de 3778 kcal/kg pour la valeur nutritive des albuminoïdes (la valeur actuelle correspondante pour les glucides serait de 4100 kcal/kg)26. Rappelons que l'équivalent d'un kg de pétrole (1/1000 tep) s'élève à environs 10 000 kcal.

L'excédent énergétique de la prairie sur la forêt est donc de 0,408 tep /ha, celui du champ de froment 0,281 + 0,302 = 0,583 tep/ha. Le rendement du champ excède celui de la prairie (naturelle) d'environ 0,175 tep/ha. Le travail que le champ demande est estimé à 100 h d'un cheval et 200 h d'un homme. On déduit des chiffres donnés que l'auteur estime le travail du cheval, son effort énergétique à 632 kcal/h et celui de l'homme à 73 kcal/h. Podolins'ky arrive à un rapport énergétique de 22 entre la récolte résultante et le travail investi. Ce premier résultat ne signifie pas grande chose, mais la méthode est bien démontrée et rien n'entrave son perfectionnement. N'empêche que la multitude des facteurs qui peuvent constituer le 'contenu' énergétique d'un produit ou d'un procédé présente souvent une formidable complication..

Aujourd'hui, l'agriculture en France rapporte 4,026 t de céréales par ha, 5 fois plus que jadis. Le travail du cheval a disparu, celui de l'homme est 'énergiquement' négligeable. On compte 430 à 550 l de fioul par ha (0,365 à 0,466 tep) pour la récolte indiquée. L'énergie nutritive de 1,65 mio kcal (0,165 tep) par ha est obtenue par la consommation de 2,2 à 2,9 fois plus d'énergie en forme de fioul. S'y rajoute la valeur énergétique des engrais, d'une éventuelle irrigation. Le rapport énergétique total serait de 7-8 pour les céréales27.

Pour Podolins'ky le travail humain qui sert à fixer l'énergie solaire sur terre représente l'activité de base de l'humanité, d'une humanité décidée à vaincre la misère. Chacun devait y penser. - Dans l'état actuel des pays industrialisés, ce même travail ne représente plus qu'une petite partie de l'activité humaine et ne fixe l'énergie gratuite du soleil qu'au prix social et énergétique d'une annihilation considérable des ressources.

* * *

IV. Le savoir à la dérive. Le dernier texte de notre collection parut dans le Bulletin de la Société Languedocienne de Géographie à Montpellier en 1881. L'auteur y donne dans une géographie, une ethnologie, une historiographie, une anthropologie de tonalité aussi néfaste que courante à l'époque. Sa description-narration de l'Ukraine et de ses habitants paraît chargée de messages politiques, nationalistes, certes, mais pour autant racistes et antisémites. Le discours est imbibé de ce que nous qualifions de racisme en général, de préjugés anti-juifs en particulier:

"Il faut avoir assisté à un recrutement militaire dans le gouvernement de Kherson, où la population est très mélangée, pour se convaincre à quel point l'homme du Midi, l'Ukrainien, le Roumain, le Serbe, l'emporte sous le rapport esthétique sur l'homme du Nord, le Russe, le Polonais et l'Allemand, et surtout l'homme de l'Orient, le Juif."

Et ainsi de suite. Des pages qui, aux mieux, incitent à s'interroger sur le 'patriotisme', l'idée contraignante d'identité et sur nos propres façons à s'approcher de 'l'autre' et du 'chez moi'. Suivent des passages où l'ancienne communauté des cosaques Zaporogues du Dniepr est érigée en monument national, où elle apparaît comme paradigme d'une démocratie en Ukraine, sousmise depuis par l'aristocratie polonaise, puis par le gouvernement russe.

Les qualités de l'auteur, l'observation précise et la capacité de distinction ne prennent le dessus que dans la dernière partie de sa 'note', avec sa description des conditions de vie et de l'état sanitaire des habitants dans les différents gouvernements du pays28. Les paysans, les ouvriers agricoles, les femmes, hommes et enfants vivent en moyenne légèrement mieux et plus longtemps que le sujet moyen du tsar, n'empêche qu'ils vivent déplorablement mal et ceci malgré les richesses immenses de le leur pays.

Le médecin souligne les ravages de la syphilis: vingt à trente pour cent de la population serait porteuse de la maladie29. Responsable surtout l’organisation du travail autour des plantations de betteraves et autour des usines de sucre. On ne peut être d’accord avec la dénonciation de l’injustice de cette organisation et de la dépravation ‘organisée’ surtout des jeunes ouvriers et ouvrières. Mais là encore, l’antisémitisme l’emporte et l’auteur qui aspire tellement à l’émancipation de ces gens les enfonce dans la stupidité du racisme.

Un autre médecin et socialiste, Valerian Smirnov, l’avait jadis mis en garde devant trois pièges menaçant son avenir de socialiste modèle: la médecine, l’Ukrainophilie, la Judéophobie. "Je n’ai pas encore résolu la question de la Judéophobie "30, fut sa réponse, finalement encourageante, en mai 1875. Six ans plus tard, non seulement la question ne semble nullement résolue, mais elle paraît avoir pris le caractère d'une fixation envahissante. Ou s'agissait-il, à la veille de son entrée en hôpital psychiatrique, d'une régression, d'une perte de ses facultés intellectuelles dans une situation de stress extrême? Sa dernière contribution à la science serait donc l'expression de sa dérive – pour revenir au sujet du regard (postbernardin) sur la maladie – vers une vie bien à part plutôt qu'un effort proprement scientifique.

 

Quel est l'intérêt de la republication d'un texte 'scientifique' imbibé d'injustices et de contrevérités? Une exemplarité qui repose sur le fait qu'un organisme de la science a pu accepter la publication? Que la culture scientifique des collègues a donc pu céder à une aliénation collective en forme de racisme, en particulier d'antisémitisme?31

 

Klaus Schlüpmann, Paris, avril/août 2003

 

1 v. Le Petit Robert des noms propres, Paris, 2000

2 Charles Lichtenthaeler, Geschichte der Medizin, vol 2, p.518-521. L’auteur traite in extenso la ”révolution expérimentale de Magendie”.

3 George Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, 1972

4 A propos de Bichat v. Michel Foucault, La naissance de la clinique, Paris, PUF, 1963

5 William Coleman, Biology in the Nineteenth Century, Cambridge, Univ. Press., 1977, p.159

6 v. George Canguilhem, op.cit.

7Friedrich Albert Lange, Die Arbeiterfrage in ihrer Bedeutung für Gegenwart und Zukunft, Duisburg, 1865, p. 15

8 Helmuth Plessner, « Mensch und Tier » 1946 in : Gottfried Wilhelm Leibniz, Hambourg, Hansischer Gildenverlag, 1946, 307 

9 Aveling et sa compagne Eleanor Marx, fille de Karl Marx, furent des militants socialistes en Angleterre. Ils contribueront à la traduction anglaise du Capital, qui paraîtra en 1887.

10 Edward Aveling, The Students Darwin, Londres, 1881

11 En 1974 seulement, à la suite de la lecture d'un article de Shlomo Avineri paru en 1967 dans Encounter, Margaret Fay a cherché et trouvé le texte d'Aveling; v. Margaret A. Fay, 'Marx and Darwin. A Literary Detective Story', Monthly Review, NY, 31, no 10, p.40-57, 1980 (cité d'après Francis Wheen, Karl Marx, Paris, Calmann-Lévy, 2003 (London 1999), p.357.

12 Dominique Lecourt, ”D’une correspondance fictive”, Raison présente 66, 1983, 51.

13 L’auteur de Les Origines des espèces s’exprime d’ailleurs très prudemment sur le phénomène des ‚variations‘. Il reconnaît ainsi ”notre ignorance complète concernant la cause de chaque variation spécifique”. 1e éd., Londres 1859, p.131. Dans le dernier chapitre de son oeuvre il écrit: ”Dans l’état de domestication nous voyons une grande variabilité causée ou au moins stimulée par des changements dans les conditions de vie. Souvent, pourtant d’une telle manière obscure, que nous sommes tentés de considérer les variations comme spontanées.” Engels se réfère à Ernst Haeckel qui regarde les variations comme le résultat d’adaptation et d’héritage « où l'adaptation est représentée comme le côté changeant et l'héritage comme le côté conservant du procédé » (‘Antidühring’, éd. Walter Hollitscher, Francfort, 1971)

14 v. Oskar Negt, Die Konstituierung der Soziologie zur Ordnungswissenschaft, Strukturbeziehungen zwischen den Gesellschaftslehren Comtes und Hegels, Francfort, EVA, 1974, 113

15 Connu notamment pour son: Deszendenzlehre und Darwinismus, Leipzig, 1873. Schmidt était également l’auteur du volume sur les invertébrés du ‘Brehm’ (Alfred Brehm, Illustriertes Tierleben (La vie des animaux illustrée), Leipzig 1876-79, 10 vols.)

16 Aujourd’hui, la critique de la valeur économique relativise le rôle du travail, – nonobstant ses autres aspects – en faveur de la technologie scientifique et en faveur de la nature comme facteurs de richesse. v. Jürgen Habermas, Technik und Wissenschaft als ”Ideologie”, Frankfort, Suhrkamp, 1968, 80 (L’auteur se réfère à E. Löbl, Geistige Arbeit – die wahre Quelle des Reichtums, 1968); Hans Immler, ”Ist nur die Arbeit wertbildend?” in: Le même et Wolfdietrich Schmied-Kowarzik, Marx und die Naturfrage, Hambourg, VSA, 1984, 21

17 En 1922 parut une traduction en ukrainien de la version française, "Ludskaia pratsia i ednist sili" dans M. Gruchevskii, Z potchiniv ukrainskogo sotsiialistichnogo rukhu, Vienne, 1922 (texte repris dans Sergii Podolins'kii, Vibrani tvori, Roman Serbyn éd, Montréal, Université du Quebec, 1990). Viatcheslav Stepanovitch Tchesnokov, le biographe russe de Podolins'ky, raconte qu'en 1966 l'oeuvre de Podolins'ky fut discutée par Pobisk Georgievitch Kuznetsov à l'université de Moscou (v. V. S. Tchesnokov, Sergei Andreevitch Podolinskii, Moscou, Nauka, 2001, p.7) Pour l'impacte du texte à l'ouest, après 1973, cf. Joan Martinez-Alier et José Manuel Naredo ("La nocio de 'Forces productives' i la questió; de l'energia", Quaderns d'alliberament 5, 1980, p.15, "A Marxist Precursor of Energy Economics: Podolinsky", Journal of Peasant Studies 9, 1982, p.207; Juan Martinez-Alier, Ecological Economics, Oxford, Blackwell, 2me 1990, également paru en espagnol et en japonais). Le texte russe a été republié en 1991 sous la rédaction de I.I. Motchalov (Podolinskii Sergei Andreevitch, Moscou, Noosphera) avec une preface de P. G. Kuznetsov.

18 v. Yehuda Elkana, The Discovery of the Conservation of Energy, London, Hutchinson, 1974; Thomas Kuhn, ”Energy Conservation as an Example of Simultaneous Discovery”, in Marshall Clagett, éd., Critical Problems in the History of Science, Madison, Univ. of Wisconsion Press, 1959, 321-356

19Son influence au sein de la social-démocratie allemande avait déclenché la critique acerbe de Friedrich Engels et de Marx de 1876 à 1878. v. Friedrich Engels, Herrn Eugen Dührings Umwälzung der Wissenschaft (‚Antidühring‘), Leipzig, 1878 (première publication dans le ‚Vorwärts‘, l‘organe du Parti, du 3 janvier 1877 au 7 juillet 1878). Dans les années 1880 la controverse finira par aligner le parti autour du ‘socialisme scientifique’ de Marx. V. George Haupt, L’historien et le mouvement social, Paris, Maspero, 1980, 93.

20 Jean Gosse, "Propos sur la détermination empirique de la température du Soleil", in :  Alexandre Herléa dir. L’énergie solaire en France, Paris, éditions du CNRS, 1993» p.17

21 La même source spécifie que cette réserve de 1000 Gigatep se compose au niveau actuel de la consommation de 400 ans pour le charbon, 40 ans pour le pétrole et 60 ans pour le gaz. Notons que beaucoup de monde dépend toujours du bois comme source principale d'énergie et qu'un quart de la population mondiale est confronté à une crise de cette ressource. A l’unité de la tep, adaptée à l’époque du pétrole, correspondent les autres mesures d’énergie: les Kilowattheures (1 tep = 11600 kWh) ou les Joules (1tep = 42 GigaJ) ou encore les Kilocalories (1 tep = environ 10 millions kcal)

22 Depuis 1978 les satellites de la NASA (SOLCON) ont permis l'observation de légères variations de cette 'constante', notamment d'environ 0,1% au rythme de 11 ans ('période Saros'). Pour la comparaison: la surface de notre corps extériorise la puissance d'environ 60 W.

23 Pour la Belgique le flux s’élève à 116 W/m2 en moyenne (pour le Sahara il est au moins deux fois plus élevé). Vu que la technologie actuelle limite la capture à environ 10%, il faudrait une surface d’environs 100m2 par personne pour capter le montant de la consommation annuelle actuelle, qui est de 0,9tep par habitant.

24 Voir Jean Paul Deléage, Une histoire de l’écologie, Paris, La Découverte, 1991, Chapitre 6, « Tout est énergie ! »

25 Les surfaces d'exploitation paraissent bien plus petites qu'aujourd'hui. Actuellement en France, la production agricole occupe 29,6 mio ha, les bois couvrent 16,1 mio ha, les sols artificialisés, les routes et les habitations occupent 3,2 mio ha, les friches et les landes 3 mio ha, les roches et les eaux 1,9 mio ha (Agreste no 141, avril 2002).

261 kcal=4,184 kJ (KiloJoule ou kWs); 1000 kcal = 1,163 Kilowattheures

27 Chiffres cités dans le dossier de Jean-Luc Bochu (Confédération paysanne) dans Campagnes solidaires no 153, juin 2001. Selon les prévisions de la FAO la moyenne mondiale de la production de froment qui est actuellement de 2,46 t par ha (61% de la productivité en France) devrait monter à 3,44 t en 2030. FAO 2030 AT; la consommation annuelle d'engrains est actuellement de 90 kg par ha.

28 Une 'sociologie' raciste reste néanmoins virulente. Le lecteur veut bien croire que les paysans mangent rarement de la volaille, "car tout est porté au marché voisin et vendu". Vendu aux acteurs économiques du marché. Vendu au juifs que le pays 'doit' nourrir, selon Podolins'ky. La stupidité antisémite, substitut d'une 'critique du marché'.

29 Rappelons les incertitudes du diagnostique avant l’arrivée des méthodes sérologiques (A.Wassermann 1906)

30 Cf. Roman Serbyn, "In Defense of an independant ukrainian socialist movement: three letters from Serhii Podolynsky to Valerian Smirnov", Journal of Ukrainian Studies 7 no 2, automne 1982, p.11

31 Que vaut l'article, 'abstraction faite' de l'expression de l'antisémitisme? Viatcheslav Stepanovitch Tchesnokov, dans son résumé loc. cit., p. 40, passe sous silence les passages scandaleux. L’article donnerait donc l’exemple d’un usage de la science dans la lutte contre l’injustice. Ne donnerait-il plutôt qu’un contre-exemple ?